Je n’ai pas la prétention de faire des discours sociaux, mais il y a toujours un peu de ça parce que cela fait partie de moi, mais s’il n’y a pas d’humour, ça ne m’intéresse pas. Je suis né à Cordoba, et celui qui vient de Cordoba s’il n’a pas d’humour, il est perdu…
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C’est cette envie de sourire autant qu’un sentiment doux-amer que laisse aujourd’hui Antonio Seguí dans nos cœurs. En apprenant la nouvelle de son décès c’est d’abord la tristesse que j’ai ressentie, de savoir que je ne verrai plus ce grand homme et formidable artiste dont les œuvres ont toujours accompagné mon parcours de galeriste. Je repense aussi au bonheur que j’ai eu de le voir il y a à peine quelques semaines avant son départ pour l’Argentine avec la même joie de vivre qui le caractérise depuis plus de trente ans que nous travaillons ensemble. Malgré une certaine nostalgie, c’est avec d’autant plus de fierté que je prends conscience de la chance que j’ai eue d’avoir pu partager avec lui le lancement de la nouvelle édition de l’Homme pressé de la collection Art For All, et c’est avec beaucoup de tendresse que je me remémore les futurs projets de collaboration que nous avions évoqués ensemble ce jour-là. Je sais qu’il aurait aimé qu’on se souvienne de cette image d’un homme pétillant et dynamique, un éternel artiste possédant une grande soif de création.
Né en Argentine à Córdoba, en 1934, Antonio Seguí était ainsi un homme profondément jovial, doté d’une grande culture et d’une passion pour l’art sous toutes ses formes, de l’art précolombien à l’art contemporain. C’était aussi un féru de voyages. Il n’avait que 17 ans lorsqu’il se rendit pour la première fois en Europe afin d’assister aux formations de la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando (Madrid) et à L‘École des Beaux-Arts de Paris en tant qu’auditeur libre.
Après être retourné en Amérique Latine, quelques années en Argentine puis au Mexique, il s’installera finalement en France en 1963 avec sa première femme, la danseuse argentine Graciela Martínez. Seguí connait alors un beau succès à l’occasion de la IIIe Biennale de Paris et devient le plus parisien des Argentins. Son atelier d’Arcueil, où il organise des soirées qui rassemblent la communauté artistique argentine présente en France, devient alors le lieu de passage obligatoire pour de nombreux artistes argentins en passage à Paris, mais aussi Marcel Duchamp, Pablo Neruda, Alejo Carpentier, Copi ou Mercedes Sosa.
Son travail, comme sa vie, ont toujours été marqués par cette grande liberté « sans laquelle (il) ne peu(t) ni peindre, ni vivre ». Dans ses œuvres peuplées de figures déambulant au cœur des villes, il traitait ainsi avec humour et ironie du spectacle de la vie urbaine, caractérisée sous la forme du souvenir des cités de son pays natal. Sur de multiples supports, de la peinture à la photographie, de la lithographie à la sculpture monumentale, il donnait ainsi vie à toute une galerie de personnages en mouvement, absorbés par le rythme effréné des villes, et dont les traits volontairement simplifiés semblaient leur procurer une liberté aussi naïve qu’utopique.
Naturellement, j’aime fouiller à l’intérieur de l’individu, comprendre ses conflits, mettre à jour ses joies.
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Son homme moderne, pressé et urbain, aux couleurs vives comme pour mieux s’échapper de la grisaille quotidienne, résonne en nous, aux quatre coins de la planète. Si aujourd’hui le départ de son créateur nous laisse tous un peu orphelins, je suis persuadé que les œuvres et le talent d’Antonio Seguí vont continuer à nous faire rêver et à rayonner sur la scène artistique internationale encore très longtemps.